DIGNITE ET GARDE A VUE EN BRETAGNE

DIGNITE ET GARDE A VUE EN BRETAGNE

La garde à vue est définie à l’article 62-2 du Code de procédure pénale comme une mesure de contrainte par laquelle une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. Point avec Maître PUJOL sur le thème DIGNITE ET GARDE A VUE EN BRETAGNE

L’article 63-5 du même code prévoit que la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. 

Quid lorsque la mise en œuvre de cette mesure porte atteinte à la dignité de la personne gardée à vue ? 

DIGNITE ET GARDE A VUE EN BRETAGNE

Le 18 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62-3, 63, 63-5, 154 et 706-88 du Code de procédure pénale.

Il était fait grief à ces dispositions de permettre la mise en œuvre d’une garde à vue dans des conditions indignes, la décision de placement ou de maintien en garde à vue n’étant pas subordonnée aux capacités d’accueil et aux conditions matérielles des locaux dans lesquels ladite mesure doit se dérouler. 

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Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, a déduit des moyens présentés que la QPC portait sur le premier alinéa de l’article 63-5 du Code de procédure pénale, celui-ci étant rédigé comme suit : 

« La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. »

Les Sages ont tout d’abord rappelé la valeur constitutionnelle de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation (Cons. const., déc. n° 94-343/344 DC, 27 juillet 1994). Ils ont également réaffirmé le fait que toute mesure privative de liberté doit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine. 

Or, il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de prévenir et réprimer les agissements portant atteinte à la dignité des personnes gardées à vue et d’ordonner la réparation des préjudices subis du fait de telles atteintes.

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Le Conseil constitutionnel mentionne ensuite que l’objet des dispositions de l’article 63-5 du Code de procédure pénale est d’imposer que la dignité de la personne gardée à vue soit protégée en toutes circonstances.

A ce titre, les Sages soulignent que le législateur a entouré la mise en œuvre de la garde à vue de garanties propres à assurer le respect de cette exigence : 

  • La limitation de la coercition aux seules mesures de sécurité strictement nécessaires (article 63-5, alinéa 2) ;
  • Le droit d’être examiné par un médecin qui se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles (article 63-3) ;
  • L’établissement d’un procès-verbal mentionnant notamment la durée des repos qui ont séparé les auditions de la personne gardée à vue et les heures auxquelles elle a pu s’alimenter (article 64) ;
  • Le contrôle de l’autorité judiciaire (procureur de la République ou juge d’instruction, selon le cas), lors du placement en garde à vue et de la prolongation de la mesure, avec la possibilité pour la personne gardée à vue de formuler des observations tendant à ce qu’il y soit mis fin (article 63-1) ;
  • Le pouvoir général de contrôle du procureur de la République l’incitant à inspecter l’état des locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime nécessaire, et au moins une fois par an (article 41) ;
  • L’obligation faite aux magistrats d’assurer la sauvegarde des droits reconnus à la personne gardée à vue, et la possibilité d’ordonner à tout moment qu’elle soit présentée devant lui ou remise en liberté (article 63-2)

    C’est donc un enjeu important pour le justiciable : DIGNITE ET GARDE A VUE EN BRETAGNE

Le Conseil constitutionnel déclare ainsi conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article 63-5 du Code de procédure pénale.

Il émet toutefois une réserve d’interprétation : lorsque les conditions de garde à vue portent atteinte à la dignité de la personne, les dispositions contestées doivent s’interpréter comme imposant à l’autorité judiciaire compétente de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure de le permet, d’ordonner la remise en liberté de la personne concernée

A défaut, il s’agit d’une violation du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Dans ce cas, la personne gardée à vue dans des conditions indignes peut engager la responsabilité de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice en résultant

Il convient toutefois de s’interroger sur l’effectivité d’un tel recours indemnitaire contre l’Etat. 

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En effet, ni la loi ni le Conseil constitutionnel ne déterminent concrètement quels sont les critères permettant de considérer que la personne gardée à vue se trouve dans une situation indigne. Quid par exemple en présence de locaux connus pour être particulièrement délabrés ou lorsque, par ses agissements, le gardé à vue dégrade lui-même les conditions de sa propre détention ?

Par ailleurs, la preuve de l’indignité de la mesure ne sera pas toujours facile à obtenir. 

Enfin, comme le suggérait Maître Paul Mathonnet, comment les magistrats pourront-ils répondre à l’impératif d’immédiateté qu’implique la réserve d’interprétation dès lors qu’ils n’interviennent que de manière discontinue dans le suivi des mesures de garde à vue ? 

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